Retour 20 Mars : Dialogue avec les centres

Le 20 mars 2017 a eu lieu un temps de restitution et d’échange autour de cette première année de recherche . Cette matinée  avait pour objet : la restitution de l’analyse des projets sociaux et du traitement des fichiers adhérents des centres de l’échantillon, nombreux ont été les échanges et les retours réflexifs sur la pratique professionnelle, entre autres. Ces derniers ont stimulés notre intérêt et permettent de nourrir la réflexion de la recherche. C’est pourquoi, nous vous proposons un aperçu de ces échanges et des questionnements qu’ils suscitent.  

Etaient présents une trentaine de personnes, dont les représentants de 12 des 16 centres sociaux de l’échantillon et de 9 centres de la région. Afin de faciliter le débat nous avions préparé, en amont, une série de questions à poser aux professionnels et bénévoles qui étaient présents.

Après l’analyse des projets sociaux, un premier questionnement est né du constat qu’il est difficile d’identifier de façon claire et lisible quel est le ou les territoire(s) concerné(s) par le diagnostic socio-territorial que proposent les structures dans leur projet social. Par conséquent nous avons cherché à en savoir plus :  “Quel est l’espace ciblé par vos diagnostics ?”

De manière générale, beaucoup s’accordent pour dire que le diagnostic se fait dans les limites de l’injonction institutionnelle, et donc sur l’espace délimité par l’agrément. Néanmoins, ce premier constat fait, les centres admettent également que, dans les faits, l’activité des centres sociaux attire bien au delà des frontières fixées par le territoire d’agrément. Il s’agirait alors de prendre en compte les flux et les dynamiques des territoires limitrophes dans la mesures où ils peuvent influencer le territoire de l’agrément.

Les différentes réponses ont également mis en avant l’importance du contexte sur le fait de décider de l’espace ciblé par le diagnostic. Le contexte de la réforme territoriale et les conséquences de la loi NOTRe, notemment sur la structuration des communes et intercommunalités, semble jouer pour beaucoup, de part ses conséquences sur les injonctions politiques mais aussi sur la disponibilité de certaines données …

Un autre facteur mentionné à été celui des équipements présents. C’est-à-dire que dans le cas de 2 centres ayant des territoires connexes, chacun formulera un diagnostic sur son territoire d’agrément sans “empiéter” sur le territoire du voisin. Le même type de raisonnement semble s’appliquer à d’autres acteurs que les centres, ce qui les fait rentrer dans une logique de concurrence et plus encore de “chasse gardée”. Au delà d’une réflexion sur l’espace d’exercice des activités, cela pose également une question sur la pratique des partenariats, et des difficultés, freins que peuvent poser ces postures dans la réalisation d’un diagnostic complet.

Plus largement, si notre question portait sur l’espace ciblé dans les diagnostics, les réponses ont été faites sur l’espace ciblé par l’action des centres. Pourtant un diagnostic peut se faire sur un territoire plus large sans que ceci induise de développer une action sur l’ensemble de l’espace du diagnostic… De nouveau, on retrouve certaines logiques, posture de concurrence et d’enjeux stratégiques bornant l’espace de réflexion aux limites de l’agrément.   

 

Un second point a attiré notre attention, toujours lors de la lecture de ces projets sociaux.  Au vu de l’ensemble des démarches et du travail que celui-ci suppose nous cherchions à savoir si le projet social était en réalité perçu comme une plus value.

Dans l’ensemble, le projet social est considéré comme une plus value puisqu’il sert de point d’étape permettant aux centres de situer leurs actions. En revanche, sa rédaction longue et fastidieuse semble peser sur les structures.

A leur lecture nous avons pu constater que les projets sociaux étaient très marqués par une orientation famille, enfance et jeunesse. Constat peu surprenant étant donné que le projet social est à destination de la CAF. Néanmoins ceci interroge sur la liberté dont disposent les centres sociaux à donner à lire et à voir sur l’ensemble de leur activité.

Les échanges ont révélés des réactions quelques peu mitigées. En effet, certains considèrent qu’effectivement le projet social pourrait avoir tendance à se cantonner aux intérêts de la Caisse d’Allocations Familiales (partenaire financier) quand d’autres au contraire ne partagent pas ce sentiment. Alors le contenu du projet social ne dépendrait-il pas des relations entretenues avec le partenaire ?

Un centre social nous expliquera d’ailleurs ce jour là que la CAF locale réfute les actions “bien vieillir”, alors par précaution le projet social ne prendra pas cette direction. Cependant ce que ne permet pas le projet social, le projet associatif lui le porte et c’est là la distinction que nous invitent à la réflexion des professionnels et des bénévoles des centres sociaux.

Or, le projet associatif n’est pas nécessairement rédigé, et le projet social peut dans certain cas faire lieu de projet associatif … Et c’est bien le projet social qui est présenté comme la feuille de route, le guide de l’action du centre social, une vitrine en quelque sorte, ou du moins une sorte de catalogue reprenant tous les tenants et aboutissants de la démarche.

Ce débat permet tout de même de nous interroger sur : Comment mettre en avant dans les projets sociaux les actions en lien avec le vieillissement quand persistent des doutes sur la possibilité de le faire ?  Ceci ne freine t-il pas la lisibilité des centres sociaux par d’autres acteurs sur les problématiques du vieillissement ? Le projet social est-il et doit-il être un outil de communication ? Si ce n’est pas par le projet social, comment donner à voir l’action des centres ?

 

Discuter des projets sociaux amène à aborder d’autres points comme l’existence des nouveaux enjeux qui transforment le contenu des projets sociaux. La construction du projet social est supposée reposer sur un diagnostic socio-territorial. Or, si celui-ci fait émerger des problématiques nouvelles, comment peuvent elles trouver une place dans le projet ? Nous pouvons évoquer le cas de l’apparition de nouveaux logements sur les territoires ou encore les territoires qui seraient caractérisés par la concentration d’entreprises supposant un axe de réflexion pour le centre sur la proportion d’individus susceptibles d’entrer en âge de la retraite.

Par ce débat, nous constatons que le projet social est un exercice qui est tributaire des “moments” de son élaboration et qu’il suppose de profondes réflexions pour le centre social.Ainsi, aujourd’hui nous parlons de la place que doit avoir le vieillissement dans ce projet social, mais demain ne parlerons-nous pas de la place que peut avoir l’écologie, par exemple ?  

 

La deuxième partie de cette matinée consistait à présenter l’analyse que nous avons pu tirer des fichiers adhérents des centres sociaux étudiés. Après avoir constaté l’importante hétérogénéité de ces fichiers adhérents et de la difficulté, dans ce cas, de produire de la donnée permettant une vue d’ensemble sur les caractéristiques sociales des personnes qui côtoient les centres sociaux et socioculturels, nous avons souhaité les interroger sur la nécessité (ou non), de disposer d’outils et de données permettant de tels traitements statistiques ?

Ici encore les avis sont partagés, certains considèrent que le quantitatif représente un risque, à savoir celui de ne donner qu’une “vision statistique des centres sociaux” au détriment d’une expérience de terrain permettant d’obtenir de la donnée qualitative bien plus fiable que les chiffres.

Cependant si les professionnels présents s’accordent pour affirmer que de part leur expérience ils connaissent leurs adhérents d’autres pensent pour autant que le quantitatif (qu’il permette une analyse individuelle ou plus générale) peut avoir son intérêt. L’analyse quantitative permettrait dans un premier lieu la comparaison avec les statistiques de territoire. Ainsi le centre social serait plus à même de connaître de façon plus précise les problématiques sur lesquelles il agit, les priorités qu’il doit viser, les axes qu’il pourrait développer.

Exemple: contraste entre le taux observés de retraités sur le territoire et le nombre de retraités présents dans la structure. De plus, ces données permettraient de lutter contre certains préjugés qui estiment que les centres sociaux ne concernent qu’une seule population (ce que dans les faits ils réprouvent) etc.

 

Plus largement, si cette méfiance envers le tout quantitatif est compréhensible, il s’agit pourtant d’arriver à donner à voir le savoir faire, les actions et/ou la démarche des centres sociaux… Or, de part notre analyse et des échanges de cette matinée il en ressort que ce n’est pas l’exercice “projet social” qui permet cette visibilité … L’expérience qualitative n’y est pas toujours traduite et quand elle l’est, jamais dans sa totalité (question de moyen, de public, de partenaire, l’injonction institutionnelle … ) et le socle quantitatif n’est pas suffisamment développer et/ou exploité. Comment alors accéder à la lisibilité pour les personnes extérieures, que ce soit des  acteurs, partenaires ou habitants ?   Mais tout ceci pose la question des moyens et des outils adaptés qui peuvent-être mit en place.

 

Pour finir nous avons abordé la question de la représentativité des adhérents par rapport au territoire. En d’autres termes, les adhérents doivent-ils être représentatifs de la population du territoire ?

A cette question nous obtenons des réponses variées “Oui”, “Non”, “Pas nécessairement”… Plus globalement l’idée partagée est celle de répondre avant tout aux besoins de la population, ces besoins ne sont pas nécessairement les mêmes pour tous et tous n’ont peut-être pas d’attentes ou de besoins particuliers auxquels peuvent prétendre répondre les centres sociaux. Il importe en premier lieu de répondre aux besoins des plus démunis socialement.

Cependant notre analyse des fichiers adhérents révéla l’absence de catégories d’âges parmis les adhérents, celle des 17-19 ans et celle des 20-34 ans. Si ces résultats peuvent se comprendre dans le cas de certaines structures (du fait d’un territoire à caractère rural et de migrations importantes pour les études), Il reste que cette population n’est présente de manière significative dans aucune structures …  

 

Enfin, nous avons souhaité profiter de la présence des centres pour leur soumettre une question pour le développement du projet I-CARE. En effet, le volet santé de l’enquête à , abordé sous les angles sociologique et géographique , la médecine n’a pas encore pris sa place dans le projet. Pour cela nous souhaitons proposer des thèses d’exercices en médecine générale. Nous avons donc interrogé les personnes présentes sur les liens, les questions, les axes qu’ils souhaiteraient voir développer dans ce cadre.

Six thématiques ont émergées de cette réflexion :

  • Quelles complémentarités entre le centre social et le médecin généraliste
  • Santé physique/ santé mentale
  • Rôle du centre social en terme de prévention
  • Quelle place peut avoir le centre social comme ressource dans des territoires subissant une désertification médicale
  • comment le centre social peut-il mettre en place des actions d’accompagnement sur des problématiques d’ordre médicale
  • Réflexion autour de la nutrition

 

Ses thématiques ont ensuite été retravaillées par le comité de suivi du projet pour aboutir à 4 grandes questions, issues de la journée de restitution, mais également de réflexion du comité scientifique.

  1. L’impact sur la santé globale : Impact des activités sociales des seniors sur la santé globale ? Est-ce que l’éventail d’activités proposées par les centres participe au maintien ou à l’amélioration d’une santé globale ?
  1. Le lien à la médecine générale : Les médecins généralistes ont-ils un intérêt à connaître l’activité des centres sociaux ? Etat des lieux entre la médecine générale et les structures d’activités sportives et sociales ?
  1. L’adéquation des activités aux rythmes physiologiques pour un meilleur impact : Existe t il des activités plus propices que d’autres selon les horaires et les rythmes physiologiques ? Comment les activités des centres sociaux sont ils adaptés aux rythmes physiologiques des aînés ?
  1. Quel impact des activités sociales pour les personnes handicapées ?

 

Ces réflexions vont servir de base de travail pour le développement d’une réflexion en terme de médecine générale  

Nous tenons à remercier l’ensemble des personnes présentent à ces journées pour l’intérêt porté à nos travaux, les échanges et la bonne humeur.


Shani GALAND – Doctorante en sociologie au laboratoire CENS – chargée de mission I-CARE pour l’Union Régionale des centres sociaux des Pays de la Loire.

Juliette Michel – Doctorante en géographie au laboratoire ESO – chargée de mission I-CARE pour l’Union Régionale des centres sociaux des Pays de la Loire

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