Journées de L’ODAS : Acteurs locaux et pacte Républicain

 

Journées de L’ODAS : Acteurs locaux et pacte Républicain  à ANGERS

 

Qu’est ce que l’ODAS ?

 

Fondée en 1990 l’Observatoire National de l’Action Sociale (L’ODAS) est une association régie par la loi de 1901, qui défini son action comme suit: “apporter son concours aux différents acteurs publics pour une meilleure connaissance des publics en difficulté et des moyens mobilisés, et notamment d’analyser les dispositifs et les pratiques mis en œuvre pour répondre aux besoins sociaux.

 

L’objectif de l’ODAS est donc de proposer un “terrain neutre” aux acteurs,un cadre de débat et de réflexion à l’écart d’enjeux et de calendriers politiques. Dans cette perspective, l’ODAS considère avoir les missions suivantes :

 

  • “Promouvoir la connaissance, l’évaluation et l’analyse prospective de la politique d’action sociale des collectivités et institutions publiques.
  • Accompagner les évolutions initiées par des collectivités territoriales (Départements, villes…) dans le cadre de la mise en œuvre de leur politique d’action sociale.
  • Initier et diffuser le débat auprès des élus, des professionnels, des responsables institutionnels, des chercheurs.
  • Contribuer à la professionnalisation des responsables d’action sociale des collectivités.”

 

Cette année, les journées nationales avaient lieu à Angers, les 1er et 2 février, avec pour thème : “Acteurs locaux et pacte Républicain: comment revitaliser les liens et les repères?”.

Elles ont réunis un nombre important d’acteurs aux statuts et rôles différents.

 

Dans le cadre d’un projet comme I-CARE, participer à ce type d’événement est l’occasion de “rencontrer” d’autres points de vue sur des thématiques qui nous touchent, et de comprendre comment se positionnent des acteurs avec lesquels les CSX sont amenés à travailler (élus locaux, techniciens, associations etc.). C’est également un moyen de prendre connaissance d’initiatives, d’associations, que nous présenterons dans cette Newsletter.  

 

 

Les tables rondes :

 

La première table ronde posait la question des enjeux autour de la cohésion et du lien social. De celle-ci ressort un discours plutôt alarmiste sur l’état actuel des liens entre les citoyens et le politique. Les intervenants expriment une opposition entre:

  • un courant général de plus en plus centrer sur l’individu. L’individu est de plus en responsabilisé et perçu comme ressource. On prône le “bien-être”, “la participation”, le “citoyen- acteur” …
  • une structure de gouvernement hérité du Jacobinisme, qui se pense verticalement avec une importance des statuts qui rigidifient les institutions.

Cette rupture contribue à la montée d’une défiance envers les politiques, au sentiment de déconnexion. Cela vient fragiliser les liens entre les instances de gouvernement et la société. En effet, tous s’accordent pour dire qu’aujourd’hui les personnes ont perdu “confiance” dans le politique, qu’il existe un sentiment de “vulnérabilité” des individus très prégnant.

A côté de cela, tous semblent porter un discours plutôt positif quant à la volonté des citoyens à participer. Il existe un intérêt indéniable que l’on constate via, entre autre, l’augmentation de l’implication bénévole. Pourtant les initiatives citoyennes ne sont, au sens de ces intervenants, que très peu traduites et portées par les discours politiques.

D’après la philosophe Fabienne Brugeres (présente aux journées), l’important serait avant tout de “repenser les liens entre “l’Etat et la société” en réinterrogeant les manière de travailler collectivement. Parmi les notions à réinterroger, Jean Louis Sanchez (délégué général de l’ODAS) cite également la citoyenneté. Il faut pouvoir redonner à la notion un sens, car être un citoyen ce n’est pas seulement “payer ses impôts”. Tout comme le “récit de la solidarité” doit être ‘reconstruit’ afin de pouvoir “généraliser les bonne pratiques”. Pour y parvenir, il faudrait redonner du temps au “collectif”, à “l’intérêt général”. Cette idée de « donnée du temps » se traduit également dans plusieurs autres interventions soulignant la contrainte des logiques d’appel d’offre dans le développement de l’action sociale. En effet, pour mener leurs projets, les acteurs doivent faire face à des procédures compliquées et lourdes qui doivent aboutir dans un temps très restreint. Cette inscription dans un temps court (de quelque mois à 3-4 ans) ne permettrait pas de construire et de développer efficacement des projets avec la population.

Les questions de temps, de sens de l’action publique et de transversalité des politiques ont également été au cœur de la seconde table ronde portant sur la définition des rôles respectifs des pouvoirs locaux pour accroître leur impact sur le vivre ensemble. Cette table ronde était l’occasion de discuter de la décentralisation et de la place de celle-ci dans des dynamiques de consolidation de la cohésion sociale. De cette discussion sont ressorti 4 grands axes.

  • L’institutionnalisation des métropoles et la diminution du nombre d’intercommunalités. Les intervenants ont soulignés 2 problématiques émergentes:

o   Si le fait métropolitain est une réalité, le poids donné aux métropoles crée un déséquilibre entre les métropoles d’un côté et les petites villes et la ruralité de l’autre

o   Une distance de plus en plus grande entre l’habitant et la collectivité territoriale qui rend difficile non seulement la lecture de l’institution, mais aussi le sentiment d’appartenance

  • La question du sens de l’action. Si la construction du lien social est l’objectif des acteurs locaux, se pose la question de la place de l’Etat comme acteur à part entière, parallèlement aux institutions décentralisées (région, département, communes, EPCI).
  • La gestion de prestations et de service ne suffit pas à prendre en compte le développement social. Il est nécessaire d’avoir une approche transversale des politiques publiques, de faire « avec » et non plus « pour »
  • La responsabilité. Les intervenant ont expliqué que l’on est passé d’un transfert de compétences à un transfert de dispositifs, ce qui induit des choix à courts termes, une exigence de résultat … et, à terme, peut conduire à renoncer à des politiques qui n’entrent pas dans un champ de compétences défini mais qui aurait des effets.

De ces axes, les intervenants en sont venus à regretter la prégnance d’une logique gestionnaire entraînant un repli sur les cœurs de métier au détriment du besoin de transversalité. De plus les logiques de guichets uniques créeraient une relation asymétrique avec l’habitant. Enfin, ils ont souligné l’importance de clarifier les rôles de chacun des acteurs afin de pouvoir construire des partenariats efficaces, que ce soit dans des logiques de projets ou de délégation de service public. Sachant que ces processus prennent du temps, il a également été souligné le besoin de faire une « pause des réformes ». En effet il y a eu 3 lois de réforme des collectivités territoriales depuis 2010, sans compter celles qui ne portent pas directement dessus, mais créent ou modifient certaine institutions.

Les deux tables rondes ont fait ressortir des réflexions autour de la participation, du temps des projets et de la transversalité des approches. Ces aspects ont également été discutés dans les ateliers

 

Les ateliers :

  

Durant ces deux journées nous avons eu l’opportunité de participer à des ateliers, dont l’un portait sur la thématique « Acteurs locaux et cohésion intergénérationnelle ».

 

La réflexion de cet atelier se développe à partir de deux constats: d’un côté la population vieillit, de l’autre les représentations de la vieillesse ont tendance à assimiler la question du vieillissement à des problématiques d’ordre physique. Pour les intervenants, il serait avant tout important de réfléchir à ses populations sous l’angles de leur “capabilités”, leurs capacité, et non par les risques de maladie et de dépendance qu’il leurs sont associés.

 

Au vue du poids de ces représentations, il est important de construire une nouvelle parole, un nouveau discours sur la ressource des personnes âgées. Dans cette optique, sont intervenus la présidente et la vice-présidente de l’association “Old’up”, toutes deux âgées de plus de 80 ans. Old’up est une association qui a été créée en 2007, qui propose un espace de réflexion par et pour les personnes âgées, dans une optique de vieillissement “durable”, “actif”. L’objectif principal de cette association est de “devenir une référence sur l’expérience de l’âge” en menant des réflexions et actions autour de l’accessibilité et de la santé, du lien inter-générationnel … Plus largement elle souhaite “promouvoir une contribution citoyenne utile (des personnes âgées) dans l’évolution de la société d’aujourd’hui”

 

D’après la présidente de Old’up, l’association permettrait à ses adhérents un “retour à la parole, à la pensée et à l’échange” L’idée étant de “faire quelque chose de cette vieillesse”, quelque chose qui ai du “sens”.

     Trois objectifs sont visés selon elle:

1-    Ré-obtenir une identité collective qui soit “heureuse” qui permet dans le même temps, la réaffirmation de son “identité individuelle”. « On vient pour proposer le reste de notre énergie, pas pour demander de l’aide».

2-    L’apprentissage : comme l’initiation aux outils numériques. « Nous avons beaucoup de choses à apprendre si nous voulons rester dans la vie ». « Nous essayons d’être des acteurs ».

3-    La recherche: participer à des recherches sur des questions liées à l’âge.

 

Changer la représentation que l’on a des personnes âgées c’est aussi comprendre leurs besoins et pour cela il faut leur donner la parole.

 

C’est ce que vise la démarche des “Quartiers solidaires”. Mise en place dans plusieurs communes en Suisse par l’association Prosenectute Vaud, ses objectifs sont de permettre aux habitants âgés d’être auteurs et acteurs de leurs propres projets afin de faciliter leur intégration et participation sociale au sein de leur quartier, développer le pouvoir d’action, prévenir l’isolement et la fragilisation, favoriser le maintien à domicile et renforcer la santé. La démarche se déroule en 6 étapes (voir ICI) : qui mettent l’accent sur l’importance de la durée et de la participation pour le bon fonctionnement de cette initiative. Le but est d’inclure les habitants dans chacune de ces étapes. Par exemple le diagnostic repose sur des entretiens réalisés par les habitants eux-mêmes auprès de d’autres habitants. Ainsi, ils apprennent les techniques de l’entretien et peuvent les réaliser en toute autonomie. De cette manière cette démarche, devient “un travail social collectif”. Durant la présentation de la démarche, il a été souligné l’importance de former les personnes, l’objectif d’autonomisation des projets issus de la démarche, et donc l’inscription dans un temps relativement long (5 ans).  

 

Ainsi, la présentation de ces deux associations permet de rendre compte de l’importance d’inclure dans les projets les individus eux-mêmes et de prendre en considération les ressources dont ils disposent pour mener à bien ces initiatives. Cette logique n’est pas sans rappeler celle des centres sociaux et socioculturels, qui font collaborer ensemble professionnels et habitants pour porter les projets.

 

Certain de ces aspects, en termes de participation, ont également été abordés dans l’autre atelier auquel nous avons participé : Acteurs locaux et co-construction des projets territorialisés. Comme pour l’atelier précédent, plusieurs démarches ont été présentées, mais on ne les présentera pas avec autant de détails puisqu’elles ne rentrent pas dans les problématiques du projet ICARE.

 

Ce que l’on retient c’est ce qui a été souligné sur la participation des habitants. Dans un premier temps, la participation a été présentée comme un moyen pour passer de l’assistance à l’insertion, notamment quand il s’agit de faire une place à des bénéficiaires de minimas sociaux dans le design des politiques, des dispositifs les concernant. Pour parvenir à cette transformation, il est important d’avoir une réelle coopération entre les acteurs. Au delà d’une coopération en termes de compétence, les acteurs doivent composer sur le territoire pour parvenir à un ensemble cohérent. Cette considération vient faire écho aux débats des tables rondes sur le besoin de transversalité mais aussi de clarification des rôles de chacun.

 

Il est également important, voir crucial, de parvenir à une participation effective des habitants. Or la participation n’est pas à liée à la cohésion sociale ou à une politique quelconque. La participation c’est une méthode, une manière de faire. En tant que telle, elle nécessite la mise en place d’une pédagogie, d’une formation … Participer nécessite un apprentissage, surtout lorsque cette participation habitante vise des instances politiques qui possèdent leur propre jargon et mode de fonctionnement. Il a d’ailleurs été souligné que cette pédagogie est importante à avoir aussi bien auprès des habitants qu’auprès des donneurs d’ordre, des professionnels et/ou des techniciens, l’important étant d’installer un dialogue. Comprise comme telle, la participation demande donc du temps, comme ce qui été présenté dans la démarche “quartiers solidaires”

 

 

Nous relevons que l’ensemble de ces propos, qu’ils proviennent de responsables politiques tel que des maires, des président( e )s de conseils départementaux ou d’acteurs associatifs ne sont en réalité pas si différents. En effet, si dans d’autres circonstances des tensions peuvent se faire sentir entre ces acteurs, les journées de l’ODAS ont révélé des craintes, des envies et des problématiques relativement partagées par les uns comme par les autres.

 

 

Shani GALAND – Doctorante en sociologie au laboratoire CENS – chargée de mission I-CARE pour l’Union Régionale des centres sociaux des Pays de la Loire.

 

Juliette Michel – Doctorante en géographie au laboratoire ESO – chargée de mission I-CARE pour l’Union Régionale des centres sociaux des Pays de la Loire

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